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Ambassadeur Fu Cong : La Chine et l’UE peuvent jouer ensemble un grand rôle
2024-02-06 02:03

Le 22 janvier 2024, l’Ambassadeur Fu Cong, Chef de la Mission de Chine auprès de l’UE, a accordé une interview exclusive à Kevin Whitelaw, Chef du Bureau de Bloomberg à Bruxelles, et à son collègue Tom Hancock.

Bloomberg : Avez-vous l’impression que les relations commerciales entre la Chine et l’UE deviennent, d’une certaine manière, de plus en plus conflictuelles depuis votre arrivée ? A-t-on le sentiment que nous nous dirigeons vers une situation semblable à celle qu’ont connue la Chine et les États-Unis ? Ce que certains appellent un risque de guerre commerciale. 

Fu Cong : Ce qu’ils ont dit n’est pas ce que nous voulons. Lors de mes entretiens avec les officiels de l’UE et les Ambassadeurs nationaux ici, ils m’ont dit que l’Europe était différente des États-Unis et qu’elle n’adopterait donc pas la même approche. Mais nous sommes très préoccupés par certaines politiques et mesures mises sur la table. Aujourd’hui, nous avons vu cette proposition de la Commission européenne sur la sécurité économique, qui vise principalement la Chine. Il y a donc effectivement beaucoup de défis à relever.

Ceci dit, depuis mon arrivée, les relations entre la Chine et l’UE sont sur une trajectoire ascendante. C’est mon sentiment. Je suis sûr que vous avez remarqué qu’il y a eu nombre d’échanges de haut niveau, à la fois des délégations de l’UE vers la Chine et des délégations chinoises vers l’UE. Le point culminant a été la visite du Président Charles Michel et de la Présidente Ursula von der Leyen à Beijing à la fin de l’année dernière. Depuis le début de l’année, le Président chinois Xi Jinping a rencontré plusieurs dirigeants européens, physiquement ou virtuellement, et le Premier Ministre Li Qiang s’est rendu en Europe il y a quelques jours, en Suisse et en Irlande. Cette dynamique est très positive et nous espérons qu’elle se poursuivra. Elle donnera certainement une orientation politique et un élan aux relations bilatérales. 

Mais c’est vrai qu’il y a des défis à relever. À mon avis, l’économie n’est qu’une question de surface. Le plus grand défi est celui de la perception mutuelle. Je dirais qu’il y a encore beaucoup de perceptions erronées de la part de l’UE ou de l’Europe vis-à-vis de la Chine. On parle beaucoup des conflits géopolitiques, etc. Lorsqu’il s’agit de la Chine, cela repose essentiellement sur cette perception erronée. Depuis mon arrivée, j’essaie de répéter que les politiques chinoises font l’objet de nombreuses critiques infondées. Par exemple, on dit que la Chine a l’intention de bouleverser l’ordre international existant. C’est trop éloigné de la vérité. Nous sommes un bénéficiaire de l’ordre international existant. Nous en profitons et, naturellement, nous voulons le protéger. En réalité, nous sommes l’un des défenseurs les plus robustes et les plus ardents de l’ordre international. Pourquoi perturber l’ordre existant lorsque nous en bénéficions ? Permettez-moi de vous donner quelques exemples. La Chine est l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et l’un des cinq États reconnus comme étant dotés d’armes nucléaires. Depuis son adhésion à l’OMC, la Chine en a bénéficié dans le cadre de ses règles et son économie a prospéré. Alors pourquoi la Chine essaierait-elle de perturber l’OMC ? C’est une chose que les gens doivent comprendre, malgré les accusations infondées qui vont dans le sens contraire.

Bloomberg : Lorsque vous êtes arrivé ici en tant qu’Ambassadeur, vous avez parlé de votre volonté d’améliorer l’environnement politique. Pouvez-vous nous indiquer quelques éléments tangibles qui ont été introduits, sur lesquels nous pouvons nous appuyer ?

Fu Cong : Il y a effectivement des résultats tangibles. L’un d’entre eux est l’accord sur les indications géographiques. C’est un accord mutuellement bénéfique. Il profitera d’abord aux agriculteurs, et il est possible de l’étendre aux produits industriels. C’est la première chose. 

Deuxièmement, le dialogue a été relancé. Nous ne devons pas sous-estimer l’importance du dialogue. Vous venez de parler des chaînes d’approvisionnement. Côté chinois, nous avons proposé, puisque l’UE s’inquiète de sa dépendance à l’égard des produits chinois, de mettre en place un mécanisme de dialogue qui garantira qu’aucune des deux parties n’utilisera la dépendance de l’autre comme une arme. La Chine est même disposée à prendre des engagements juridiquement contraignants. De notre côté, nous sommes sincères dans notre coopération avec l’UE et nous espérons que cette sincérité sera réciproque.

En fait, en ce qui concerne la dépendance, à mon avis, les gens doivent comprendre que nous ne devons pas exagérer cette question. D’abord, la dépendance entre la Chine et l’UE est une interdépendance. L’Europe n’est pas unilatéralement dépendante de la Chine. La Chine dépend également de l’Europe pour bon nombre de produits et de technologies. C’est tout à fait naturel à nos yeux. C’est le résultat de la mondialisation, n’est-ce pas ? Il n’y a rien d’anormal à cela. 

Deuxièmement, on a tendance à exagérer la dépendance de l’Europe à l’égard de la Chine. Lisez le rapport de l’UE qui a été cité par M. Bernd Lange, Président de l’INTA du Parlement européen. Il a dit que nous ne devrions pas toujours exagérer la dépendance à l’égard de la Chine. Il n’y a que 0,2 % des produits intermédiaires et 1,4 % des produits finis pour lesquels l’Europe dépend clairement de la Chine.

En effet, d’après nos calculs, la dépendance de la Chine à l’égard de l’Europe est bien supérieure. Les gens doivent en être conscients. Mais aujourd’hui, à chaque fois que nous parlons aux hommes politiques, ils mettent en avant cette question, comme s’il existait une dépendance inacceptable de l’Europe à l’égard de la Chine. Je ne crois pas que ce soit le cas.

Bloomberg : Mais comme ce que vous avez dit, dans certains domaines, il existe de réelles dépendances. Le rapport de la Commission européenne publié l’année dernière indique que les 60 produits pour lesquels l’UE est très dépendante de la Chine sont souvent de très petites choses. Vous dites que vous êtes en train de discuter, ou vous voulez discuter avec l’UE de certains engagements juridiquement contraignants. S’agit-il d’une promesse de ne pas utiliser ces produits comme une arme ? 

Fu Cong : Comme je l’ai dit, nous voulons mettre en place un mécanisme. C’est pourquoi j’ai dit que nous ne devions pas sous-estimer la valeur du dialogue. Nous voulons instaurer ce mécanisme. L’objectif est de discuter de la stabilité des chaînes d’approvisionnement. Et si l’UE est vraiment préoccupée, elle ne devrait pas rejeter cette proposition. Comme je l’ai dit, nous sommes même prêts à prendre des engagements juridiquement contraignants, et nous attendons la même chose de la part de l’UE.

Bloomberg : Quel genre d’engagements ? S’agirait-il d’un engagement à ne pas faire quelque chose ? Et en quoi cela serait-il contraignant ? 

Fu Cong : Nous serons heureux d’en discuter. Mais encore une fois, il faut d’abord engager un dialogue avant de pouvoir obtenir un contenu concret.

Bloomberg : Il est un peu tôt...

Fu Cong : Il est un peu tôt pour savoir quelle forme prendra cet accord. Mais cette proposition est sur la table depuis un certain temps déjà. Nous espérons que l’UE pourra l’accepter, et nous souhaitons vraiment engager ce dialogue avec elle afin d’atténuer les inquiétudes que chaque partie peut avoir à l’égard de l’autre.

Bloomberg : À propos du dialogue, l’UE a parfois fait savoir que ses diplomates à Beijing avaient du mal à solliciter des réunions et à établir des contacts. Je crois que cela a été dit très récemment. Qu’en pensez-vous ?

Fu Cong : Je ne sais pas d’où vient ce commentaire. En fait, si vous consultez le site web de la représentation de l’UE en Chine, vous constaterez que des réunions ont eu lieu récemment avec M. Li Zhong, Vice-Ministre des Ressources humaines et de la Protection sociale, et avec des chercheurs chinois de l’Université de Fudan. Ces informations ont été bien publiées sur le site web. 

Comme je l’ai dit, il y a de nombreuses visites à Bruxelles, y compris des Ministres, des Vice-Ministres, des académiciens et des hommes d’affaires. Et il y a cet accord d’exemption de visa. Alors, si nous invitons une personne en Chine et que, dans le même temps, nous ne voulions pas la voir, où est la logique ? Franchement parlant, je ne sais pas d’où vient ce commentaire. On ne peut pas dire que l’on veut voir quelqu’un et que le lendemain, cela doit être arrangé, n’est-ce pas ? Je n’ai pas non plus droit à ce traitement. Je peux aussi me plaindre ici. Il y aussi beaucoup de personnalités que je souhaite voir ici, mais tout n’est pas possible.

Bloomberg : C’était ma question. Avez-vous du mal à organiser des réunions ? La porte est toujours ouverte ?

Fu Cong : En tant qu’Ambassadeur, ma responsabilité est de promouvoir et d’améliorer les relations bilatérales. Oui, j’ai quelques difficultés, mais nous devons les aborder d’un point de vue positif. C’est ainsi que je fais mon travail. Je ne me plains donc pas souvent dans les médias ou publiquement. Mais on ne peut pas dire que je n’ai pas de plaintes à formuler. J’ai dit à mes interlocuteurs des institutions européennes que je ne me plaignais pas publiquement, mais pensez-vous vraiment que je n’ai pas de quoi me plaindre ? 

C’est parce que je veux mettre en avant l’aspect positif de cette relation. Et je crois aussi que les deux parties ont fondamentalement beaucoup de choses en commun. Nous prônons tous le multilatéralisme. Le monde d’aujourd’hui est très turbulent. À la fin de l’année dernière, une réunion sur les affaires extérieures très importante s’est tenue à Beijing, au cours de laquelle les principes diplomatiques fondamentaux ont été définis.

Nous plaidons pour un monde multipolaire égal et ordonné. Par ordonné, nous entendons le respect par tous du droit international et le soutien aux Nations Unies et à la Charte des Nations Unies. Nous ne voulons pas de turbulences. Le passage d’un monde unipolaire à un monde multipolaire étant une tendance irréversible, ce processus doit est aussi ordonné que possible. C’est un principe de base de notre politique étrangère. 

En ce qui concerne la mondialisation, nous espérons la poursuivre, mais elle doit être universellement bénéfique et inclusive. Nous ne nions pas les déséquilibres apparus dans le processus de mondialisation. Nous voulons y remédier pour assurer que tout le monde en profite. Telles sont nos approches fondamentales en matière de politique étrangère. 

Nous avons beaucoup de choses en commun avec l’UE. C’est pourquoi je considère cette relation comme une relation très importante. Je suis fermement convaincu que tant que l’UE ou l’Europe poursuit sa politique d’autonomie stratégique, le monde ne retombera pas dans l’époque de la guerre froide, ni dans la confrontation des blocs. C’est ainsi que j’envisage notre relation avec l’UE. Nous souhaitons que l’UE, les pays et les citoyens européens aient une meilleure compréhension de la Chine et des politiques chinoises. Nous devrions faire davantage pour stabiliser et renforcer ces relations.

Depuis mon arrivée à Bruxelles, j’ai rencontré de nombreuses personnalités, hommes politiques, diplomates, groupes de réflexion et hommes d’affaires. Je ressens la forte volonté des gens ici de développer une bonne relation avec la Chine et de joindre leurs efforts à ceux de la Chine pour stabiliser la relation bilatérale et aussi le monde. La Chine et l’UE peuvent jouer ensemble un grand rôle à cet égard.

Bloomberg : Il y a deux questions dont les entreprises européennes en Chine parlent beaucoup et pour lesquelles des groupes de travail ont été mis en place. La première concerne les marchés publics. Les entreprises européennes se sentent souvent exclues des marchés publics chinois. La deuxième est celle des données. Les entreprises européennes ont de réelles difficultés pour faire sortir les données de la Chine conformément à la nouvelle loi. Il s’agit là d’une difficulté que les autorités chinoises ont reconnue. 

Fu Cong : En fait, de nombreux progrès ont été réalisés sur les deux fronts. Concernant les données, je ne sais pas si vous savez qu’il y a un ou deux mois, la Chine a présenté une proposition, un projet de révision de la loi. 

Bloomberg : Nous avons fait des reportages. Pour l’instant, il ne s’agit encore que d’un projet.

Fu Cong : Après sa présentation, il y a eu une période de consultation publique. Cette période a été clôturée. La prochaine étape consistera à le faire passer en législation ou en règlement administratif. L’essentiel est qu’elle a clarifié beaucoup de choses et que les entreprises européennes en sont satisfaites.

Il n’y a pas longtemps, j’ai rencontré une délégation de la Chambre de Commerce de l’UE en Chine. Les délégués m’ont dit que dans leur rapport, ils avaient présenté 1 000 propositions et qu’une section entière concernait le transfert de données. Ils m’ont dit très clairement que toutes leurs suggestions et propositions sur les données étaient obsolètes ou dépassées par les événements. Ils sont donc très satisfaits de ce projet.

Bloomberg : Mais cela peut-il devenir une loi bientôt ? Je pense que c’est ce que les entreprises recherchent. Quand cela se fera-t-il ?

Fu Cong : Il sera passé sous forme de loi ou de règlement administratif. Si vous attendez une loi, cela prendra plus de temps. Le moyen le plus rapide est peut-être de l’adopter en tant que règlement administratif afin qu’il puisse être mis en œuvre très rapidement. 

(En ce qui concerne les marchés publics,) il n’y a pas longtemps, nous avons tenu la Conférence centrale sur le travail économique. Dans le communiqué de presse publié, il a été précisé que des efforts supplémentaires devaient être faits dans le domaine des marchés publics. Je suis convaincu que le marché chinois sera encore plus ouvert.

Bloomberg : Cette partie du communiqué est en quelque sorte une réponse aux préoccupations des entreprises étrangères ?

Fu Cong : Oui, c’est vrai. La question des données a également été mentionnée.

C’est donc un autre message que j’ai envoyé à la communauté des affaires ici. Vos plaintes sont entendues et prises en compte. Si vous avez d’autres préoccupations, n’hésitez pas à nous dire. Nous sommes prêts à les étudier. Et si nous les trouvons faisables, nous les mettrons en pratique. C’est un autre signe que le gouvernement chinois veut améliorer autant que possible l’environnement des affaires en Chine. Nous sommes activement engagés dans cette voie.

Et, comme je l’ai dit, nous espérons que l’UE fera de même. À toute franchise, les entreprises chinoises en Europe ont également de nombreuses préoccupations en termes d’investissement. Toutes sortes de rapports font état d’une restriction des investissements chinois et parlent de ces enquêtes qui ne peuvent que limiter les exportations chinoises vers l’Europe. Nos entreprises sont donc également très inquiètes. Nous avons également une chambre ici.

Bloomberg : Les visas sont l’une de leurs principales préoccupations. 

Fu Cong : Exactement.

Bloomberg : Pensez-vous que la situation s’améliore ? Avez-vous un avis sur les visas ? 

Fu Cong : C’est toujours un gros problème pour les entreprises chinoises. Maintenant que nous avons pris une mesure unilatérale pour lever toutes les exigences en matière de visa, j’espère que l’UE fera de même.

Bloomberg : Pourriez-vous étendre la politique d’exemption de visa à l’ensemble de l’UE à un moment donné ?

Fu Cong : Je sais que c’est une demande de l’UE, et je ne veux pas l’exclure. Il semble que le nombre de pays bénéficiant de ce traitement augmente. Je suis donc assez optimiste. Pourquoi pas ?

Bloomberg : À propos des sanctions. Des députés européens ont subi des sanctions de la Chine. Certains d’entre eux se retirent, comme M. Bütikofer. Les sanctions vont-elles être levées une fois que les députés cesseront d’être membres du Parlement européen, ou sont-elles à vie ? Les autres sanctions vont-elles être levées ? 

Fu Cong : Nous sommes très clairs sur cette question depuis un certain temps. Ces sanctions entravent les relations Chine-UE. Nous espérons qu’elles pourront être levées simultanément par les deux parties. Mais permettez-moi d’insister sur le fait que les sanctions de la Chine à l’égard de l’Europe étaient une réponse aux sanctions de l’Europe à l’égard d’officiels chinois. C’est un fait fondamental que les gens doivent garder à l’esprit.

Notre proposition est de tourner la page. L’un des moyens d’y parvenir est que les deux parties lèvent leurs sanctions simultanément. Une fois de plus, nous espérons que ce geste pourra être repris par la partie européenne.


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